Pour en retrouver l'essence originelle, nous vous invitons aujourd'hui à explorer la genèse de la Margarita, un voyage qui nous conduira jusqu'au Château de Bonbonnet, où renaît aujourd'hui cette précieuse liqueur d'orange.
Aux racines de la Margarita
Au début du XXe siècle, la tequila était peu connue en dehors des régions frontalières du Mexique, et son usage en cocktails ne faisait pas partie de la culture du pays. Avec la Prohibition, de nombreux Américains se rendirent dans les villes mexicaines, où les plus aventureux commencèrent à expérimenter la tequila en cocktail. Après l’abrogation de la Prohibition, ces nouveaux convertis continuèrent d’en boire, notamment à Los Angeles, où les menus des restaurants mexicains, à la fin des années 1930, proposaient un nombre surprenant de drinks à la tequila. Cependant, aucun d’eux n’était encore une Margarita.
Étonnamment, c’est vers Londres qu’il faut se tourner, à la même époque, pour trouver une recette proche de la Margarita : le Café Royal proposait le Picador composé de tequila, liqueur d’orange et citron vert. Peu après, le Cotton Club de New York présentait un Tequila Sour avec la même combinaison agrémentée, pour la première fois, d’un bord de verre salé. Si l’histoire n’a pas consacré ces cocktails - contrairement à la Margarita - leurs recettes illustrent l’idée suivante :
"Avant même la création de la Margarita, la combinaison de tequila, d’agrumes et de liqueur d’orange était, dans une certaine mesure, naturelle : c’est une association qui revenait régulièrement." - David Wondrich, historien du cocktail
D’ailleurs, dès les années 1870, ce triptyque se retrouvait dans le cocktail Daisy, décrit par Jerry Thomas en 1876 comme une dose d’alcool shakée avec du jus de citron et un "cordial d’orange". La version originale était réalisée avec du whisky, mais bientôt tous les principaux spiritueux furent utilisés. David Wondrich a retrouvé la trace, en 1925, d’un Tequila Daisy au Turf Bar de Tijuana, où un client avait commandé au bartender, Henry Madden, un Gin Daisy. "En préparant [le] cocktail, j’ai attrapé la mauvaise bouteille - celle de tequila. Le client était ravi et a répandu la bonne nouvelle partout". Si Madden n’a jamais donné sa recette, ce cocktail était célèbre au Mexique dans les années 1930, et si vous demandiez un Tequila Daisy à un barman de Los Angeles, celui-ci était capable de le réaliser. Serait-ce l’une des possibles origines de la Margarita ? Après tout, les noms "daisy" et "margarita" désignent la même chose dans des langues différentes.

Une recette en quête d’auteur
En 1953, la Margarita fut mentionnée pour la première fois dans la presse, et, dès 1955, les journalistes commencèrent à s’interroger sur la paternité de sa recette. Une première enquête mena à John Durlesser, chef barman du Tail o’ the Cock de Los Angeles. Celui-ci revendiqua la création de ce cocktail "en 1937, lorsque la tequila est apparue ici pour la première fois". Plus tard, une histoire plus élaborée vit le jour : la recette daterait de 1936, en tentant de recréer une boisson qu’une cliente, prénommée Margaret, avait goûtée au Mexique. Le cocktail fut baptisé Margarita en son honneur.
Une autre version apparaît dans les années 1960 : cette recette aurait été créée en 1948 pour la chanteuse de jazz Peggy Lee qui souhaitait "une boisson à base de tequila sans trop de complications". Un chef barman, Santos Cruz, lui prépara un Sidecar à la tequila au lieu du cognac. Le mari de Peggy Lee trouve le nom Margarita - Peggy étant un diminutif de Margaret, et la boisson ayant une touche latine.
Les années 1970 ont vu surgir d’autres prétendants au titre : Margaret “Margarita” Sames, une mondaine texane possédant une maison à Acapulco, aurait inventé ce cocktail en 1948 pour une fête de Noël chez elle, en l’honneur de plusieurs invités américains de renom. Quant à Francisco “Pancho” Morales, il affirma - preuves à l’appui - avoir improvisé ce cocktail en 1942 au Tommy’s Place, à Ciudad Juarez, lorsqu’une Américaine entra et commanda un Magnolia, dont il avait oublié la recette.
Chacune de ces histoires contient suffisamment d’éléments pour paraître plausible et nous sommes face à au moins trois, voire quatre, revendications crédibles concernant l’invention de la Margarita !
Ferrand Dry Curaçao pour une authentique Margarita
Lorsque l’on évoque la Margarita, la liqueur d’orange n’est pas toujours un ingrédient suffisamment mis en valeur. Il s’agit, pourtant, d’une saveur essentielle de la version historique de ce classique, et d’un élément nécessaire à l’équilibre du cocktail face à l’acidité du citron vert. D’ailleurs, au cours d’une discussion entre Alexandre Gabriel, fondateur de Maison Ferrand, et David Wondrich, ce dernier souligna que : "le monde manque d’un véritable dry curaçao. Ils ont tous disparu". Une telle affirmation fut prise comme un défi par Alexandre Gabriel : faire renaître le Dry Curaçao originel !
Des mois de recherches furent nécessaires, alliant lecture d’ouvrages anciens et dégustations de curaçao collector - de la fin du XIXe siècle ou des années 1900. 40 tentatives de recettes et de nombreux envois d’échantillons à David Wondrich plus tard, la formule idéale était née ! Parmi ces essais, un ancien curaçao français Cusenier livra le goût le plus fascinant. Son amplitude aromatique ne pouvait s’expliquer que par un recours à des infusions multiples.

C’est pourquoi, pour confectionner notre Ferrand Dry Curaçao, nous avons recours à la méthode de la "triple infusion". D’abord, en infusant les écorces d’orange dans un alcool de raisin, distillé ensuite dans un alambic charentais chauffé à flamme nue - comme autrefois -, suivi par une nouvelle infusion. Le résultat est ensuite assemblé à du cognac infusé avec d’autres botaniques - cette "infusion végétale" n’intervenant qu’en petite quantité pour faire briller les délicieuses notes d’orange amère que vous retrouverez dans votre Margarita, dont voici la recette idéale :
Ingrédients :
- Ferrand Dry Curaçao : 2,5 cl / 1 part
- Tequila Blanco : 5 cl / 2 parts
- Jus de citron vert frais : 1,5 cl / 0,5 part
Méthode :
- Dans un shaker, ajouter de la glace et tous les ingrédients
- Agiter
- Filtrer et servir dans un verre pour Margarita (sinon type Martini ou coupette) aux bords salés
Cheers !

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