Au sommet du plateau de Kendal, la mer ne se voit pas

Mais elle est partout : dans l’humidité de l’air, dans le sel porté par les vents, dans le corail sous les pieds. C’est précisément pour cette combinaison unique - un héritage agricole pluriséculaire et un climat façonné par l’océan - que Stade's West Indies Rum Distillery a choisi ce site historique pour ériger un nouveau chai. Une bâtisse de pierre et de ciment, conçue pour durer face aux éléments, et pensée pour sublimer le précieux contenu des fûts.

"Ce plateau reçoit tous les vents de la mer. Cela crée un microclimat très spécial, et c’est pourquoi nous l’avons choisi", confie Alexandre Gabriel.

C’est une évidence pour lui : les conditions naturelles ici ne sont pas un obstacle, mais un allié. Le vent salin impose des matériaux robustes, mais il offre en échange une atmosphère de vieillissement unique.

Un chai pensé pour l’avenir

Ce chai peut accueillir jusqu’à 20 000 fûts, renforçant ainsi la capacité de vieillissement actuelle de la distillerie sur la côte de Spring Garden, Brighton Beach. C’est une réponse à un besoin logistique, bien sûr, mais aussi un choix de terroir. À Kendal, les conditions sont plus fraîches, plus ventilées et moins exposées aux variations de température. L’élevage y sera différent, plus lent peut-être, mais plus nuancé.

Ce chai vient s’ajouter à nos autres chais emblématiques : Bond n°1 (1893),  le plus ancien chai de rhum de l’île, toujours en activité et ouvert aux visiteurs ; Sugar Bond, ancienne sucrerie au-dessus de la plage ; Bond n°8, où les fûts dialoguent chaque jour avec la mer.

Avec Dairy One (2024), ancienne laiterie rénovée et équipée de sept cuves de vatting pour l’homogénéisation et le fondu aromatique des assemblages, et bientôt Dairy Two (2026), Maison Ferrand développe une cartographie du vieillissement barbadien, où chaque lieu imprime sa signature.

Une nouvelle vie pour une terre ancienne

Kendal n’est pas un terrain neutre. Fidèle à sa longue vocation agricole, le domaine continue aujourd’hui d’être un lieu de culture et d’expérimentation. Aujourd’hui, on y cultive du yam pour régénérer les sols, des cannes à sucre pour les distillations à venir et, bientôt, 32 hectares de cocotiers. Sous la direction de Jason Gibson, agronome passionné formé à Cuba, qui occupe une maison rénovée au cœur du domaine, l’équipe agricole (9 collaborateurs) a sélectionné des cannes pour leur profil aromatique, non pour leur rendement. Autrement dit, des cannes faites pour le rhum, pas pour le sucre.

Parmi ces variétés, la Yellow Lady (B89447) se distingue par ses notes florales, fruitées et légèrement épicées. D’autres, comme la Lucky Cane (B882607), apportent une douceur herbacée et une belle structure. Toutes ont été choisies et développées en collaboration avec la West Indies Sugarcane Breeding Station, voisine du domaine et partenaire de la Stade’s West Indies Rum Distillery.

Le chai de Kendal s’inscrit dans une approche cohérente du vieillissement, attentive au lieu et à ses effets. Construit pour durer, pensé pour le goût, il reflète une manière de faire du rhum qui valorise le climat, la matière et le temps. Ceux qui cherchent à comprendre l’influence du terroir y trouveront un terrain d’exploration concret.